Je ne comprends pas

Je ne comprends pas comment des organismes, qui sont mis sur pied pour s'occuper d'enfant, puissent arriver avec des moyens insidieux, perfides et hautement immoraux pour justifier le manque de service disponible.

C'est Kafkaïen!

Cela part d'un ministère qui décide de changer la classification des enfants qui présentent des troubles ou des difficultés d'apprentissage en 2000. Il y avait 31 catégories qui classaient les enfants selon leur difficultés et leur besoin de services. On a diminué ces catégories à 13. On voulait éliminer la paperasse, prendre une approche plus globale. Dans les faits, on voulait diminuer la demande et économiser sur le dos des enfants.

Le système est compliqué et long à expliquer. En gros, en diminuant les catégories, on élimine 76% des enfants en difficultés. Plus de service pour eux.

De façon plus perverse, ces enfants disparaissent des statistiques. Les chercheurs ne peuvent plus savoir combien d'enfants présentent des retards de langage en entrant à la maternelle, par exemple. En recherche, les statistiques sont importantes. Pour aider ces enfants et trouver des méthodes pédagogiques, il faut faire de la recherche fondamentale.

En information aussi. Si vous voulez savoir si le ministère de l'Éducation répond aux besoins de sa clientèle et respecte sa promesse d'injecter des sommes importantes dans les services spécialisés, vous avez besoin de connaitre combien d'enfants ont besoin d'aide. Sauf que vous n'aurez jamais la photo véridique des besoins, vous aurez une version Photoshop très retouchée.

J'ai mal au coeur, je crois que je vais aller vomir...

Ces explications techniques ont un but. Elles expliquent pourquoi la directrice adjointe m'a contacté aujourd'hui pour me dire que Petit monstre poilu n'aura pas de service d'orthophonie à l'école cette année malgré l'augmentation des services dans le Réseau. Il n'a pas de cote. Il n'a pas de cote parce qu'il entre dans une catégorie sans cote, celle des 76% d'élèves éliminés par une simple réorganisation de catégorie: les Enfants à risque. Il lui faudrait être dysphasique sévère pour avoir des services. Là, il aurait la cote 34.

Je n'ai pas vérifié les chiffres encore, mais un article spécialisé, publié dans une feuille d'information destinée aux spécialistes en orthopédagogie estime les économies réalisées par le gouvernement à trois quart d'un milliard de dollars. Une simple réorganisation de catégorie peut faire cela. C'est fantastique l'ingéniosité humaine. D'un trait de crayon, on efface des besoins.

Je vous rappelle cher lecteur que le système de santé ne prendra pas ces enfants en charge car il estime que c'est le rôle de l'école de le faire. L'école ne peut pas les prendre en charge car elle n'a pas le budget pour le faire. Ces enfants n'existent plus, ils ne sont plus comptabilisés, donc ils n'ont pas besoin de service, donc on n'a pas besoin d'autant d'argent, donc... vous voyez le raisonnement.

Je ne comprends pas.

Petit monstre poilu va!

Ce n'est pas pour rien que j'appelle mes fils des monstres poilus. Petit monstre poilu a démontré cette semaine à quel point il porte bien ce surnom. Tout excité d'avoir de la crème glacée pour dessert, il a oublié qu'il avait grandi de quelques centimètres au cours des derniers mois. Patatow! Une belle bosse sur la tête en se frappant sur le coin du congélateur!

En bonne mère (des fois cela m'arrive), je me lève de table et viens «becquer bobo». Je passe ma main affectueusement dans ses cheveux et je vois mes doigts plein de sang. Le rire s'est tu, je regarde discrètement mon conjoint toujours à table et je dis silencieusement pour qu'il lise sur mes lèvres : «il saigne». Grand monstre poilu qui a intercepté le message fait ni une, ni deux et crie: «Quoi! Il saigne!» et vlà mon petit monstre poilu qui se met à pleurer de plus belle!

J'éponge le tout, tout le monde se calme et petit monstre poilu s'installe confortablement loin du sofa du salon pour manger sa crème glacée. En tant que mère de deux garçons, je dois vous dire que les bosses et les égratignures ne m'impressionnent pas le moins du monde. Mais là, j'ai un petit doute. C'est ouvert d'un millimètre et cela saigne encore. D'un coup que c'est plus sérieux...

Je me mets à essayer de contacter Info Santé. Il faut passer par un système vocal interminable et attendre son tour pour avoir l'info. Finalement, l'infirmière me dit que je devrai consulter un médecin car, s'il a besoin de point de suture, il faut que cela soit fait à l'intérieur de 4 heures. Ah bon.

J'appelle petit monstre poilu qui mange toujours sa crème glacée, la tête penchée sur un côté pour pas que le sang lui coule dans la nuque. Papa essaie de lui dire que cela ne coule pas et qu'il peut avoir sa tête droite, mais le petit est têtu et on a d'autres bataille à faire. Je lui mets ses souliers pendant qu'il vide son bol. Pas question d'en laisser une miette...

On se dirige vers l'hôpital en voiture, je me perd, prend le mauvais stationnement, change de place car l'urgence est à l'autre bout, arrive au bon endroit, stationne la voiture et arrive enfin à la clinique de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Petit monstre poilu fait cela comme un grand. Il attend patiemment grâce à Nintendo et son gameboy advance (publicité gratuite ici pour l'immense service que la compagnie me procure à chaque fois que je dois attendre de long moment avec mes fils). Il a toujours la tête penchée et refuse de la redresser. On voit l'infirmière de triage qui confirme le besoin de point de suture. Au moins, on n'est pas venu pour rien... Elle essaie de persuader petit monstre poilu de redresser sa tête. Rien à faire.

Tout le processus se déroule à merveille. Il fait cela comme un brave. Son seul moment de faiblesse fût l'aiguille dans son cuir chevelu. Quand le médecin commence à coudre, il rigole et trouve que cela chatouille. Trois points de suture, une barre de chocolat et une tonne de compliments maternels et paternels plus tard, il est dans son lit, content de lui-même, et s'endort en trois secondes.

Je vous le dit, un vrai petit monstre poilu!

à force de se renvoyer la balle, elle finit par tomber...

Petit monstre poilu a un retard de langage jugé modéré à sévère. Il a fait, comme son frère, des otites à répétition toute sa petite enfance. Il avait toujours les oreilles pleines de liquide. On l'a pourtant opéré trois fois, plus des opérations sous anesthésie locale (bonjour la visite chez le médecin après avoir subit cela!) Résultat, il ne parle pas bien et cherche ses mots souvent. Il a attendu sur une liste de Sainte-Justine (il attend encore d'ailleurs) pour des services d'orthophonie. Pas de rendez-vous. Il termine sa garderie et rentre à la maternelle. Les besoins commencent à être urgent et Maman s'énerve. Elle téléphone partout et surtout à Sainte-Justine pour se faire dire que le billet de médecin envoyé par la poste ( obligatoire) n'est jamais parvenu. On attendait pour rien... Elle refait faire un billet de médecin, elle le renvoi encore par la poste mais appelle cette fois-ci pour être certaine de sa réception.

Pas de nouvelle pendant plusieurs mois.

Maman s'énerve encore et demande à savoir où se situe-t-il sur la liste? Elle apprend qu'il est encore bon dernier ou presque car il est maintenant à l'école. L'hôpital donne la priorité aux enfants qui ne vont pas encore à l'école. Cela prendra au moins deux ans et demi avant qu'on le voit! L'hôpital, et tous les hôpitaux qui offrent ce service d'ailleurs (j'ai appelé), considère que c'est maintenant la responsabilité de la Commission scolaire de Montréal d'aider mon enfant. Voulez-vous dire que la Commission scolaire qui n'est même pas capable de faire des réparations pour le toit de ses écoles désuètes et qui a des tuyaux pour recueillir l'eau de pluie qui tombe du plafond va maintenant trouver les ressources nécessaires pour mon fils? Je suis bien partie....

Heureusement pour petit monstre poilu, sa première école, excellente et formidable, était dans un secteur plus pauvre qui lui donnait droit à quelques services. Il a fait de l'orthophonie pendant une partie de l'année, mais pas à la mesure de ses besoins, faut pas être gourmand. Sa nouvelle école, elle, est dans un secteur un peu plus favorisé, elle n'a donc pas droit aux mêmes services même si elle a les mêmes besoins.

Je suis donc obligée, comme bien des familles, de me tourner vers le privé. J'appelle en me disant qu'au moins je n'aurai pas à attendre... Grave erreur! La plupart des orthophonistes au privé que je contacte ne prennent plus personne. J'ai réussi ce printemps à trouver un groupe d'ortho qui pourrait le prendre dans trois mois. Le premier rendez-vous est lundi matin.

Les troubles ne viennent pas seuls

Les troubles d'apprentissage sont souvent héréditaires. Comme si les parents n'en avaient pas assez dans leur assiette, les frères et soeurs d'un enfant avec un trouble d'apprentissage sont plus susceptibles d'être eux aussi atteints du même problème ou d'un autre différent.

Alors on regarde le plus jeune attentivement.... Je vais m'avouer quelque chose à moi et à vous par la même occasion. Je sais que mon petit monstre à poil a un retard de langage sérieux ( je vous parlerai un jour de l'absurdité du système dans son cas), je sais qu'il présente des difficultés d'attention, que la propreté est encore problématique, quoique très rare maintenant, ce qui est symptomatique d'un trouble (il retient son caca jusqu'à ce qu'il ne puisse plus et des fois la toilette est loin...), mais je ne le ferai pas examiner tout de suite. Je suis une lâche, je ne veux pas savoir jusqu'à ce que je ne puisse plus nier.

Il est sur une liste pour une consultation en neuropsychologie dans deux ans, après l'apprentissage de la première année. De toute façon, les spécialistes ne peuvent pas être sûrs avant cela. En attendant, il recommence sa maternelle.

L'article dans Cyberpresse il y a une semaine m'a fait bien rire d'ailleurs. La journaliste faisait mention des parents qui veulent que leur enfant performent mieux, qu'ils deviennent des «bôlés» alors ils attendent avant de faire commencer la maternelle. Et s'ils avaient une raison plus terre à terre, plus proche de ce que leur enfant ont besoin et non pas ce que le système érige en dogme. Ce n'est pas tous les enfants qui apprennent à la même vitesse, certains ont besoin de plus de temps pour être prêt pour l'école.

Petit monstre poilu va maintenant à l'école tout près de chez nous. Trois maisons en fait nous sépare. Alors au bout de la première journée, il sort dans la cour et dit à son éducatrice du service de garde: «Au revoir, je sais où je m'en vais» et il se dirige tout bonnement vers la sortie. Il lui a fallu quelques secondes pour comprendre que Petit monstre poilu voulait sortir de la cour. Il lui a fallu plusieurs minutes pour lui faire comprendre qu'il ne pouvait pas rentrer chez lui tout seul. Il savait où il restait lui et n'avait pas besoin de personne pour rentrer. Petit bout je t'adore!