La peur du sang

Grand monstre poilu s'est évanoui en classe hier.

Il ne se souvient plus de ce qu'il faisait. Il se rappelle s'être coupé, d'avoir vu du sang. Après, il s'est senti mal et la classe au complet a entendu BOUM. Il se rappelle seulement avoir ouvert les yeux sur son professeur qui amenait un pansement.

La coupure est minuscule. Il a eu cent fois pire au cours des années. La peur du sang est une nouveauté pour lui comme pour nous. (Quoique son père avoue se sentir mal quelques fois devant des émissions d'ER).

Je suis arrivée à l'école pour le chercher (l'école ne garde pas les enfants dans les cas d'évanouissement et de baisse de pression). Il avait un sourire penaud. «Tu sais Maman je me suis senti vraiment mal. Je n'ai pas fait cela pour manquer une journée. Je te le jure!»

Cette fois-ci, je suis certaine de ne pas me faire avoir. Mais j'aime bien qu'il soit conscient que je ne suis pas si facile à berner.

Les spécialistes

Savoir n'est pas toujours une sinécure. Connaître son enfant peut s'avérer une expérience difficile émotionellement.

Un enfant avec des problèmes attire dans son sillage une foule de spécialistes qui analysent ses comportements et ses connaissances de fond en comble. S'assoir en tant que parent devant un spécialiste pour discuter de ses résultats est une expérience en soi. On vous présente d'abord un rapport écrit dans un langage fermé pour un néophyte. On explique ensuite point par point. La liste des tests est généralement longue. Si vous êtes chanceux, tout est dans la zone normale. On accepte même que cela soit un peu bas dans cette zone tant que cela reste normal.

Les plaies s'ouvrent à chaque fois que le spécialiste parle de problèmes modérés à sévères. Une fois les mots prononcés, on a de la difficulté à garder le «focus» sur le positif.

Quand Grand monstre poilu a eu son diagnostic de dyslexie modéré et de dysorthographie sévère, nous avons pleuré silencieusement à chaque point apporté par les deux spécialistes devant nous. La neuropsychologue et l'orthophoniste prenaient des gants blancs et allaient très lentement dans leur explications. Elles étaient très conscientes de planter un pieu dans notre coeur et de l'enfoncer avec chaque phrase qu'elles prononçaient.

Cette semaine, ce fût le tour de Petit monstre poilu qui a eu son deuxième diagnostique orthophoniste en deux ans. Sommes toutes, c'est positif. Il démontre des améliorations si on compare avec le premier rapport. Il reste des lacunes qui vont de modéré à sévère selon le cas. Et il y a toujours ce nuage noir, la possibilité d'un trouble, qui plane au-dessus de notre tête. S'il s'améliore rapidement, on oublie le trouble. Sinon....

J'écoutais cela avec le cellulaire en l'air pour que l'autre moitié de notre équipe puisse écouter lui aussi les commentaires de l'orthophoniste. À la fin j'ai repris mon téléphone:

«Alors, as-tu des questions?» ai-je demandé

«Non, je m'inquiète pour toi. Comment toi tu vas avec tout cela.»

«Tu me connais trop, mais cette fois-ci cela va. Je peux encaisser.»

Il me reste maintenant à passer le test de l'orthopédagogue de l'école et de la psychologue de la commission scolaire.

Ultimement, ces femmes ne dressent qu'un portrait partiel et incomplet de nos enfants. Ils sont plus que les sommes de leur lacune.

Je me suis fait avoir

Cela arrive aux meilleurs parents/détectives. Ce matin Grand monstre poilu était fatigué. À tel point qu'il est retourné se coucher après avoir déjeuné. Un peu inquiet, nous avons fait un interrogatoire en règle: prise de température et questionnaire médical (bâti laborieusement au cours des années grâce à maintes visites à l'hôpital pour rien). Son père et moi avons décidé qu'il resterait à la maison avec lui aujourd'hui. Cela tombait bien, il avait un texte à écrire.

Je téléphone une heure plus tard pour avoir des nouvelles. Qui répond? Grand monstre poilu en grande forme qui écoute des émissions de télé affalé dans le sofa. Sa voix est claire et enjouée, pas du tout fatiguée et sans énergie.....

J'imagine que cela lui fera un bon souvenir plus tard. Une fois de temps à autres, c'est bien d'avoir le dessus sur les grands et de se faire une petite pause à soi.

Sa prochaine prestation devra être remarquable s'il veut que cela se reproduise.

Les examens d'entrée pour le secondaire

C'est la folie furieuse au bureau et l'un des sujets de conversation préférés de mes collègues: les examens d'entrée des écoles privées. Ils stressent, trouvent le processus éreintant et difficile pour les enfants. Mais ce sont eux qui poussent leurs enfants à aller au privé.

C'est vrai que visuellement, les écoles publiques peuvent difficilement combattre à armes égales. On en parle pas du même budget, ni du même empressement à impressionner les parents. Une collègue me parlait de ses visites récemment. à l'école privée, il y avait une brigade d'étudiants qui attendaient les parents. Ces deniers étaient séparés par groupe et l'élève prenait la peine de faire visiter toutes les classes, le gymnase, la cafétéria etc... Ensuite, une présentation multimédia était faite aux parents. Ces derniers étaient prêts à sortir leur chèques immédiatement, mais il reste toujours la formalité des examens!

La visite dans une école publique, bien cotée, était autre. Les parents n'étaient pas attendus par des brigades d'enfants bien élevés. On passait dans une classe avec un semblant de présentation où un élève faisait du «break dance» était projeté sur le mur. Les chaises étaient brisées. Au gymnase, l'équipe football assis derrière une table avait une attitude définitivement adolescente qui n'engageait pas du tout la conversation. Dans une classe, un prof sans dentier dans le bas donnait faisaient des expériences de chimie pour des étudiants venus visiter. Bref, pas une belle image.

Laquelle pensez-vous qu'elle voudrait pour sa fille? Comment trouve-t-on l'âme d'une école autrement qu'en fréquentant cette école? Comment ne pas se fier uniquement sur l'image projetée? Les chaises brisées sont une chose. La façon dont l'école traite ses élèves en cas de difficultés, le respect qu'on leur porte, la passion des professeurs pour leur métier, c'est encore plus important.

Moi, j'ai refusé l'école privée à l'époque. Je préférais la polyvalente avec tout ses défauts, incluant les revendeurs de drogue. Je m'en suis sortie très bien. La polyvalente Chavigny avait également une âme en arts dramatiques. J'ai fait deux ou trois comédies musicales. J'ai même chanté une chanson dans l'une d'elle. D'excellents souvenirs...

Alors moi, qu'est-ce que je veux pour mon garçon? Aucune école privée ne voudra de lui avec son handicap. Vais-je avoir le choix pour lui? Il se peut que non, il se peut que je sois obligée de prendre la classe spéciale qu'on va lui donner dans une école secondaire X.

C'est donc avec un drôle de sentiments que j'entends ces conversations. Il y a un peu de jalousie, je ne m'en cache pas. En même temps... Avec Grand monstre poilu, j'ai appris à voir la performance autrement. Mon fils en tant qu'humain, son estime de lui, sa curiosité envers la vie sont plus importantes maintenant que la réussite scolaire. J'ai appris à ne plus projeter sur lui mon ambition maternelle. Veut, veut pas, il y a une image de soi que l'on projette aux autres quand nos enfants vont dans une école privée difficile à entrer.

Ce que je veux c'est que l'école lui offre des choix et la possibilité de les atteindre. Le reste c'est lui qui le fera...

En attendant des nouvelles....

J'ai commencé à écrire ce blog pour parler de mon fils ainé. Je n'ai pas été très régulière sur ce sujet. En fait, je ne sais plus où il en est avec la nouvelle école. Je sais qu'il n'est plus anxieux, qu'il dort mieux, qu'il aime sa classe, son nouveau professeur/orthopédagogue, que le rythme semble correct. Sur ses progrès ou ses difficultés? Rien. Pas la peine de lui demander, il répond : «Cela va!» «Oui mais que fais-tu exactement?», demande maman, «Chais pas, je me souviens plus». Alors, j'attends la réunion parent/enseignant.

Le service autobus scolaire me tient occupé en attendant. Nous en sommes au quatrième autobus différent avec autant de chauffeur depuis le début de l'année scolaire. Il faut être patient, nous dit-on. J'appelle plus cela de la patience....

Percée de soleil

Non, Petit monstre poilu n'aura pas de service à l'école et il est sur une liste d'attente pour le système de santé. Pourquoi suis-je heureuse? Parce que son problème de langage est juste cela, un problème de langage. On peut donc corriger la situation avec de l'orthophonie. Que je paierai de ma poche.

Quand l'orthophoniste m'a dit cela, j'ai pleuré comme une Madeleine. Il a fallu que je réprime mes larmes en conduisant vers la maison lundi. J'ai fait l'épicerie avec des larmes aux yeux tout le long. Je devais avoir l'air tellement folle! J'écris ces lignes et j'ai encore des larmes aux yeux.

Il reste du travail à faire mais la lumière est au bout du tunnel. Où est la boite de kleenex????